IA & Environnement : 5 points à retenir
- L’IA peut favoriser les avancées face aux défis énergétiques et environnementaux actuels
- Néanmoins, de nombreuses études illustrent l’ampleur des effets négatifs de l’IA sur l’environnement notamment du fait de l’énergie et des ressources qu’elle consomme
- L’impact durable d’un système d’IA comporte trois piliers : l’équilibre environnemental, l’apport socio-économique et l’impact sur la santé
- Afin de minimiser le coût environnemental des systèmes d’IA, l’usage de circuits courts ou encore la réduction de l’énergie nécessaire peuvent être des solutions préconisées
- Dans sa dernière version du 14 juin 2023, l’AI ACT a intégré de nouvelles obligations de respect de l’environnement pour les systèmes d’IA
L’intelligence artificielle entretient un rapport ambigu avec l’environnement. Présentée comme porteuse de solutions pour répondre aux défis énergétiques, l’IA fait de plus en plus l’objet de rapports alertant sur son impact sur l’environnement. En effet, l’IA repose sur des infrastructures stockant un nombre conséquent de données, et de ce fait consomme beaucoup de ressources et d’énergie. Ainsi, comment peut-on concilier IA et protection de l’environnement ? Seront ici abordés ces nouveaux enjeux et présentées les solutions et éventuelles obligations prévues par le nouveau règlement européen sur l’Intelligence Artificielle auxquelles devront se conformer les systèmes d’IA.
La notion d’impact durable et la mesure de la consommation énergétique d’un système d’IA
La notion d’impact durable est à prendre en considération lors de l’exploitation de l’intelligence artificielle. Le livre blanc de l’IA Ethique du Hub France identifie trois sous-principes pour inclure l’impact durable dans l’utilisation de l’IA.
Premièrement, il s’agit de l’équilibre environnemental qui comprend l’empreinte environnementale d’un système d’IA, calculée à partir de la somme des impacts environnementaux directs, indirects, induits dus à sa production, son développement et son utilisation. L’utilisation d’un système d’IA entraîne en effet plusieurs types de consommation énergétique comme la consommation d’un GPU – « unité de traitement graphique » – ou encore la consommation des serveurs et celle des équipements permettant d’utiliser les serveurs. Il y a une tendance à la mise en place d’initiatives de calculs de la consommation énergétique et de l’empreinte carbone d’un système d’IA. Green Algorithms ou ML CO2 Impact en sont des exemples. Des critères tels que la consommation des ressources pour le processus, ou encore la consommation électrique de l’ensemble du datacenter sont utilisés afin d’effectuer ce calcul.
Ensuite, l’apport socio-économique entre en jeu dans l’impact durable d’un système d’IA. Les critères évaluant cet apport concernent la contribution à un bien-être collectif, l’objectif de complémentarité avec les êtres humains et les conditions d’accès qui doivent être égalitaires.
Enfin, le dernier principe est relatif à l’impact sur la santé qu’un système d’IA peut avoir par exemple dans la recherche ou la mise en œuvre d’une politique de santé publique. Dans ce cas important, le système d’IA devra respecter les valeurs éthiques ainsi que la protection des données personnelles.
Cet article se concentrera sur le premier principe concernant les impacts environnementaux. Les deux derniers principes seront abordés dans d’autres articles NAAIA.
L’impact de l’IA sur l’environnement
L’IA porte en effet un impact écologique non négligeable. Cédric Villani, ancien député français, spécialiste de l’analyse mathématique et auteur du rapport sur la mise en œuvre d’une stratégie française et européenne en intelligence artificielle, explique cet impact du fait de l’utilisation d’infrastructures de stockage de données nécessaires au fonctionnement de l’IA, ainsi que du fait de « la pollution liée à l’exploitation des mines, la consommation de ressources, d’énergie et même d’espace ».
Divers chercheurs se sont intéressés au sujet et livrent des études permettant de comprendre l’ampleur des effets négatifs sur l’environnement. Une équipe de l’université de Massachussetts à Amherst composée notamment d’Emma Strubell, affirmait, dans une étude de 2019, que certains réseaux de neurones utilisés dans les applications relevant du langage naturel entraînés pendant 4 à 7 jours, consommaient autant d’énergie qu’un humain en 57 ans.
L’IA au service des défis énergétiques ?
L’IA peut parfois servir de solution aux défis climatiques et énergétiques actuels. D’après le document de travail de l’UNESCO relatif à l’IA au service du développement durable, l’IA peut favoriser des avancées dans la recherche en écologie et en biodiversité ou encore dans la gestion des écosystèmes. Par exemple, l’IA peut être utile pour prévenir les catastrophes, comme cela a été expérimentée dans une ville japonaise notamment pour la détection et la mise en place d’un prototype d’alerte lors de cas de tsunamis. La gestion de l’eau douce a également pu être surveillée de manière efficiente grâce à l’IA à partir de modélisations statistiques.
La transition écologique peut également s’aider de l’IA pour développer des solutions innovantes et respectueuses de l’environnement. La construction de sites de production d’énergie renouvelables efficients par exemple peuvent être identifiés par l’IA afin de trouver les sites plus favorables en termes d’exposition au soleil, aux climats ou encore aux vents.
Quelles solutions pour une IA responsable ?
Afin de limiter la pollution générée par l’intelligence artificielle, des chercheurs préconisent de prendre en compte les critères de l’impact durable. Il s’agirait de minimiser le coût environnemental de la chaîne de production des matériaux nécessaires à la création des systèmes utilisant de l’IA, comme l’usage de circuits courts. Concernant le développement et le fonctionnement du système d’IA, une solution pourrait être la réduction de l’énergie nécessaire afin de minimiser le coût environnemental associé.
Enfin, afin de compenser le coût environnemental de la chaîne de production, du développement et du fonctionnement, il serait intéressant de favoriser des usages à impact positif sur l’environnement.
Selon Cédric Villani, « Pour qu’une IA soit responsable, il faut mettre en place des processus de fabrication, de mise en œuvre et de contrôle responsables. La responsabilité est dans le camp humain. ». Il préconise ainsi d’interroger « la finalité mais aussi l’architecture des systèmes algorithmiques : leur transparence, leur évaluation a posteriori, leurs biais et leurs réponses face aux enjeux environnementaux. ». Une sobriété numérique est également mise en avant et consisterait à limiter les usages de l’IA à travers des bonnes pratiques à adopter.
La réglementation européenne en matière d’IA : le principe de « bien-être social et environnemental »
Le Parlement européen dans ses amendements en date du 14 juin dernier – résumé que vous pouvez trouver dans un article Naaia – accentue l’un des grands principes de l’AI ACT qui est celui du bien-être social et environnemental. En effet, de nouvelles dispositions relatives à l’environnement ont été intégrées. Au considérant 46 bis nouvellement créé de l’AI ACT, le Parlement européen rappelle que « les systèmes d’IA peuvent avoir une incidence importante sur l’environnement et une forte consommation d’énergie au cours de leur cycle de vie ».
Le nouveau considérant 28 bis, appuie lui, l’idée du « droit fondamental à un niveau de protection de l’environnement », qui doit être « pris en considération lors de l’évaluation de la gravité du préjudice qu’un système d’IA peut causer, notamment en ce qui concerne les conséquences (…) pour l’environnement ». Ainsi, d’après ces amendements, un système d’IA pourra être considéré comme à « haut risque » si « il présente un risque important de préjudice pour l’environnement ».
Plus que les systèmes à haut risque, tous les systèmes d’IA seront, selon le nouvel article 4 bis de l’AI ACT, « développés et utilisés d’une manière durable et respectueuse de l’environnement ».
L’AI ACT entend ainsi incomber des obligations de respect de l’environnement lors de la mise en place d’un système d’IA.
L’intelligence artificielle bien qu’elle puisse contribuer à la transition énergétique, présente de nombreux enjeux environnementaux. Il convient ainsi pour les entreprises d’intégrer l’idée d’impact durable dans leurs systèmes d’IA ainsi que l’idée de sobriété numérique. L’AI ACT de l’Union européenne souhaite inclure des obligations environnementales comme principes majeurs auxquels devront se conformer les différents systèmes d’intelligence artificielle présents en Europe.