Mis à jour le 24/07/2023
5 points à retenir :
- La Chine ambitionne de devenir d’ici 2030 le leader mondial de l’intelligence artificielle, en particulier dans l’industrie automobile et la médecine. L’e-santé ou encore l’e-pharmacie sont des domaines prioritaires pour les entreprises chinoises qui commencent à développer des plateformes numériques.
- La Chine a mis en place de nombreuses régulations en matière d’IA, notamment sur la protection des données personnelles, sur l’encadrement des algorithmes, et plus récemment sur le contenu de l’IA dite générative.
- La nouvelle réglementation chinoise concerne les utilisateurs, fournisseurs, développeurs et sociétés chinoises, les soumettant à diverses obligations sous peine de sanctions.
- La conformité aux valeurs fondamentales du socialisme et à l’unité nationale, le respect de la propriété intellectuelle ou encore la transparence sont les grands principes visés.
- La Chine diverge de la régulation européenne, notamment en matière de respect des droits fondamentaux.
Introduction
Dans un contexte d’essor de l’intelligence artificielle, la Chine souhaite imposer des règles et ambitionne de devenir d’ici 2030, le leader mondial de ce secteur, notamment dans l’industrie automobile et la médecine. Le domaine de la santé est en effet prioritaire pour la Chine, qui, depuis 2014, est le deuxième pays le plus avancé au monde dans l’e-santé. La société chinoise Alibaba a par ailleurs développé en 2014 la plateforme AliHealth, devenue aujourd’hui une référence dans l’e-pharmacie.
Ancrée dans les nouvelles routes de la Soie, la Chine voit l’IA comme un secteur stratégique, notamment pour sa place dans l’innovation mondiale. Que fait concrètement la Chine en matière de régulation de l’intelligence artificielle ? Peut-elle devenir une réelle concurrente de l’Union européenne ? Quelles sont les obligations auxquelles doivent se conformer les entreprises utilisant de l’intelligence artificielle ? Zoom sur ces pratiques chinoises et ses grandes lignes.
Chronologie des régulations chinoises en matière d’IA
Considérant l’IA à la fois comme un secteur stratégique et une menace pour la stabilité du régime, la Chine a développé de nombreuses lois et réglementations. En 2015, le plan « Made in China 2025 » lancé par le Conseil des affaires d’Etat chinois, ambitionne de transformer la Chine en un véritable acteur mondial de fabrication de haute technologie.Dès juillet 2017, les autorités publient un Plan de développement de l’intelligence artificielle de nouvelle génération (AIDP) pour aborder les différents enjeux éthiques, juridiques et géopolitiques.
Règlement sur la protection des donnée
La Chine dispose, comme l’Union européenne, d’un règlement sur la protection des données, promulgué en 2021, visant à protéger les utilisateurs des technologies des fraudes et des initiatives malveillantes. Ce texte prévoit des obligations pour les entreprises du numérique comme la nécessité de demander l’autorisation de traiter des informations personnelles biométriques, médicales, sanitaires et financières. Elles devront informer de l’usage des informations personnelles, comme le fait le RGPD en Europe. Si les sociétés ne se conforment pas aux obligations prévues, elles risquent des amendes pouvant atteindre 5 % de leur chiffre d’affaires annuel. En cas de faute très grave, les autorités peuvent également suspendre leurs services.
La réglementation prévoit également des droits pour les utilisateurs, tels que la possibilité de refuser une publicité ciblée Néanmoins, cette règlementation diffère du RGPD sur le fait qu’elle ne s’applique pas au gouvernement ainsi qu’aux administrations chinoises, qui pourront alors continuer à surveiller la population.
Le 1er mars 2022, c’est au tour des algorithmes de connaître leur encadrement avec la nouvelle règlementation pour les utilisateurs de services Internet face aux recommandations prodiguées par des algorithmes. Les dispositions de cette règlementation concernent principalement les fournisseurs qui doivent alors expliquer le fonctionnement et l’objectif de ces mécanismes. Ce texte vise à interdire la production de fausses informations, ou encore à protéger les personnes âgées.
Technologies de la synthèse
Plus récemment, au début de l’année 2023, la Chine a adopté une nouvelle loi encadrant les « technologies de la synthèse », afin de réguler les « deepfakes », une technique permettant la manipulation de contenus audio et vidéo grâce à l’IA. Cette règlementation a pour grands principes la sécurité des données et la protection des informations personnelles, la transparence, la gestion du contenu et la sécurité technique. Elle établit des règles strictes à chaque étape de développement et d’utilisation de l’IA afin de pouvoir contrôler plus facilement.
Enfin, la dernière régulation en date, pas encore en vigueur mais qui a déjà un impact, est celle de la Cyber Administration of China (CAC) – le régulateur chinois du cyberespace -, qui a publié 21 articles de réglementation le 11 avril 2023. Cette loi vise davantage l’IA dite générative, dans un contexte de plein essor de ChatGPT. Cet encadrement sera développé dans cet article, pouvant être rapproché de celui de l’Union européenne sur certains points.
Qui est concerné par la régulation chinoise ?
La régulation chinoise aspire à protéger en premier lieu les utilisateurs notamment face aux violations de leurs données personnelles par les entreprises. Les utilisateurs sont soumis à des obligations comme le devoir de s’inscrire dans les services numériques avec leur vrai nom.
Le fournisseur est l’acteur majeur qui doit se conformer aux lois chinoises en matière d’IA. La dernière réglementation leur impose de procéder à une évaluation de la sécurité avant que leurs services soient disponibles en ligne. Ils deviennent responsables de toute violation de propriété intellectuelle ou encore de toute fuite d’informations personnelles.
Le développeur, quant à lui, doit se conformer à un niveau élevé de contrôle technique, très difficile à atteindre pour les entreprises. De plus, les sociétés doivent subir une évaluation préalable pour rendre leur système d’IA disponible. Par ailleurs, une inspection de sécurité sera imposée aux logiciels chinois
La Chine, qui cherche à renforcer l’innovation, pourrait finalement, avec cette stricte réglementation, se voir en perte de vitesse face à l’Europe.
Les grands principes de réglementation de l’IA par la Chine
La Chine surveille de très près le développement de l’intelligence artificielle, notamment celle dite générative. Un des grands principes de la réglementation concerne les « valeurs socialistes ». Le récent projet de réglementation indique que les contenus générés par l’IA doivent « refléter les valeurs socialistes fondamentales et ne doivent pas contenir d’éléments relatifs à la subversion du pouvoir de l’Etat ». À titre d’exemple, les fournisseurs et développeurs de services d’IA n’ont pas le droit de promouvoir ce qui porterait atteinte « à l’unité nationale ». La Chine entend encadrer des propos promouvant le terrorisme, l’extrémisme, la haine ethnique ou encore la discrimination.
Un autre principe de leur régulation concerne le respect de la propriété intellectuelle, équivalent au souhait de l’Union européenne. La Chine accorde en effet beaucoup d’importance au respect des droits d’auteur. Une qualité des données est revendiquée.
Enfin, la transparence et la mise en place de mesures empêchant les utilisateurs de développer une dépendance au contenu généré par l’IA sont incluses dans le plan de réglementation chinoise.
Conclusion
La Chine, ambitionnant à terme de devenir leader mondial en matière d’IA, apparait alors comme concurrente à l’Union européenne. Son modèle de régulation dispose de certaines convergences avec l’Europe, notamment sur la transparence ou encore le respect de la propriété intellectuelle. Néanmoins, la Chine porte davantage son projet sur la promotion de l’innovation qui va de pair avec le contrôle politique, tandis que l’Union européenne accentue la nécessité de protéger les droits fondamentaux et de promouvoir des résultats éthiques. Ce qui est certain est qu’une nouvelle course géopolitique concernant l’IA est en train de se dessiner…